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Date
17 janvier 2019
Auteur
Delphine Duclos
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Illustration par @femmestabilo
Quelle réelle crédibilité peut-on accorder à la notion de manager-coach ? En effet, le manager « classique » est le plus souvent perçu comme la voix de l’entreprise, de la hiérarchie, et par extension, du jugement. Ce manager évalue le travail de ses collaborateurs qui doivent délivrer dans le respect des délais et des critères de qualité attendus, selon des modalités souvent perçues comme directives. A contrario, le coach doit créer une atmosphère neutre, sans jugement, afin de permettre au coaché de faire émerger ses propres solutions. Comment venir à bout de cette contradiction ?
Les limites de la notion de manager-coach
Ce paradoxe peut être résolu en gardant à l’esprit que :
- Le coaching doit rester sur un périmètre purement professionnel : le manager n’est pas à proprement parler un coach (voire un psychanalyste !!). A ce titre, il n’est pas tout puissant dans la relation, et doit lui aussi apprendre au contact de son coaché. La notion de « coaching » doit donc être perçue comme un mouvement perpétuel, une occasion de grandir des deux côtés, qu’il s’agisse à la fois du coach et du coaché. Les lignes du coaching doivent être en permanence remises en question dans la limite imposée par le cadre de l’entreprise.
- Le manager coach garde une légitimité et doit concentrer l’effort du coaché vers des missions / évolutions précises. Il est une aide, et bénéficie souvent d’une expérience plus longue et approfondie que le coaché. A ce titre, il lui est possible de donner de véritables indications sur comment parvenir à vendre plus, sans nécessairement passer par la phase d’émergence afin que le coaché trouve lui-même ses propres solutions.
Effet de mode ou tendance pérenne ?
Le coaching ne s’est jamais autant développé que depuis une décennie. Les coachs fleurissent sur tous les sujets et sur tous les aspects de l’entreprise (coaching d’équipe, coaching de dirigeant…). Le coaching est-il une « tocade » ? Faut-il céder à ce qu’on pourrait qualifier d’effet de mode ? Si nous ne disposons pas pour le moment du recul nécessaire pour apporter des réponses à ce questions, il est cependant possible de tirer le maximum des théories autour du coaching, et de permettre aux collaborateurs et managers de s’approprier ce qu’ils jugeront pertinent pour leur parcours.
Pourquoi de tels besoins aujourd’hui ?
De nombreux arguments comme la perte de sens / l’illisibilité des objectifs / la perte de confiance peuvent expliquer ce recours grandissant aux coachs. Ces absences, ou « vides » sont ressentis comme nombreux aujourd’hui en entreprise. Certaines pathologies mettent par ailleurs en lumière cette nouvelle forme de « mal du siècle ». On peut citer à titre d’exemple :
- Le bore-out, ou l’ennui découlant de la perte de sens au travail, souvent à l’origine d’une dé-responsabilisation ou d’une perte de sens.
- Le brown-out (voulant dire « baisse de courant ») est l’état d’un salarié qui ne comprend pas (ou plus) son travail. Le docteur François Baumann en donne une définition: « directement issu du burn-out – qui correspond à l’épuisement professionnel – le brown-out se traduit littéralement par une baisse de courant ». Cette chute de tension « exprime la douleur et le malaise ressentis suite à la perte de sens de ses objectifs de travail et à l’incompréhension complète de son rôle dans la structure de l’entreprise ». Contrairement à l’employé victime du burn-out, l’employé victime de brown-out reste fonctionnel et peut encore accomplir des tâches. Selon une étude du Cabinet Deloitte, plus d’un salarié sur deux (55%) juge que le sens au travail s’est dégradé (Europe 1).
- De manière générale dans ce contexte, les générations Y, Z et Millenial verbalisent leur quête de sens. Ces populations ne se contentent plus des anciennes méthodes de management directives, et souhaitent un accompagnement plus personnalisé tout en comprenant les enjeux des tâches qui leur sont demandées. Pour l’entreprise, une adaptation est ainsi nécessaire, afin d’embarquer les nouvelles recrues dans des logiques de croissance et de performance. Même si la rémunération reste toutefois le premier facteur de motivation au travail (pour 50% des hommes et 44% des femmes en Europe)…. Il n’est cependant pas le seul : les perspectives de développement et d’apprentissage compte pour beaucoup dans l’attractivité et la rétention des talents.
- Dans ce contexte, et suite à un investissement accru des technologies et processus métier, la focalisation se fait aujourd’hui davantage sur l’humain.
Par ailleurs, et plus spécifiquement pour les commerciaux, il est nécessaire d’apporter une nouvelle dimension aux missions aujourd’hui réalisées au quotidien :
- Le métier des Sales est particulièrement menacé par la révolution technologique :
- Les sites de e-commerce peuvent proposer des services plus élaborés, plus rapidement que ne le ferait n’importe quel humain (personnalisation, recommandations, produits complémentaires…). L’information devient ainsi immédiatement disponible au consommateur, qui peut faire son choix sans nécessairement passer par un commercial.
- Par ailleurs, 50% des consommateurs pensent que les recommandations d’achats que proposent les sites de e-commerce sont tout aussi pertinentes que des recommandations que pourraient faire un Commercial.
- Les commerciaux doivent se positionner non plus en tant que vendeurs, mais en tant qu’experts afin de conseiller leurs clients pour des achats répondant aux critères : EASE, EFFICIENCY, LOW COST, LOW RISK.
Conclusion
La posture historique de Manager commercial « boîte aux lettres » change : ce dernier doit à présent s’attacher à faire monter en compétences ses commerciaux en les mobilisant autour des enjeux clefs de l’entreprise, notamment par l’animation de challenges, et en s’aidant de technologies digitales permettant de dépasser la question des chiffres. En s’affranchissant d’un débat sur l’exactitude des performances, les points opérationnels pourront évoluer vers de véritables points d’accompagnement, prémices d’un réel processus de coaching.