Catégorie

Management Commercial

Date

14 janvier 2016

Auteur

Delphine Duclos

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Manager une équipe Claude Onesta

Et si les clés de la réussite sportive pouvaient être transposées dans l’entreprise ? N’a-t-on jamais rêvé d’être Aimé Jacquet, Bernard Laporte ou Claude Onesta ? Comment les managers peuvent s’inspirer des méthodes des entraîneurs pour manager une équipe ?

A la veille de la coupe d’Europe de handball, faisons un focus sur les techniques de management de Claude Onesta, entraîneur de l’équipe de hand française et Manager de l’année 2011.

L’année dernière, l’équipe de France de handball remportait un cinquième titre mondial. Après les titres de 1995, 2001, 2009 et 2011. Cette équipe, qu’on appelle « Les Experts », continue d’impressionner par sa longévité au plus haut niveau espéré. « Les Experts » ont du talent, c’est une certitude. Mais ce qui fait la force d’une telle équipe c’est l’orchestration de tous ces talents cumulés au profit de la performance collective.

Manager une équipe passe par déléguer et libérer les énergies

Claude Onesta a pris le parti d’appliquer un management libérant les énergies en responsabilisant ses joueurs, en ayant un équilibre subtil entre les différents egos et en acceptant les imperfections.
Les joueurs sont mis au cœur de sa démarche. « Le projet appartient aux joueurs. Ce sont eux qui font la réussite ou l’échec. L’entraîneur n’est qu’un guide mais je reste convaincu qu’en responsabilisant les acteurs principaux, on se donne les moyens de gagner » explique-t-il.

Contrairement à un management hiérarchique plus classique qui existe dans plusieurs entreprises, il veille à ce que les collaborateurs, dans son cas ses joueurs, puissent décider eux-mêmes de leurs propres choix qui vont les mener vers la performance, voire vers la victoire.

Il ne dit plus aux joueurs comment jouer une situation mais leur demande comment ils souhaitent la jouer. L’idée est de responsabiliser l’équipe et de les faire échanger sur une même problématique avec un but commun : gagner le match.

« Dans le sport comme dans l’entreprise, il y a de plus en plus d’imprévus à gérer. Développer les capacités d’adaptation des uns et des autres est donc nécessaire, or si vous avez habitué vos joueurs ou vos collaborateurs à affronter les imprévus d’eux-mêmes, spontanément, dans un esprit créatif, ils trouveront plus facilement la clé. »

Dans une entreprise, c’est la même chose. Faites travailler votre équipe autour d’objectifs communs. Laissez-les mettre en place leur propre stratégie. Vous verrez que vos collaborateurs se sentiront plus concernés et donc feront tout pour atteindre leurs objectifs.

Pour manager une équipe, devenez jardinier

Pour favoriser l’engagement de leurs collaborateurs, les leaders sont appelés à être les jardiniers de l’écosystème qui favorisera la croissance et l’épanouissement de chaque membre dans l’organisation. Dire à un collaborateur comment faire son travail le déresponsabilise. Il vaut mieux écouter ce qu’il a à proposer et en discuter avec lui. C’est exactement ce que Claude Onesta a mis en œuvre avec l’équipe de France de handball depuis plusieurs années. Tel un « leader-jardinier », il apporte les ingrédients nécessaires pour grandir, s’améliorer et réussir. « En construisant ensemble on est peut-être confronté à quelques écueils supplémentaires lors de la mise en route, mais l’engagement obtenu, le supplément d’âme généré s’avère être un pari gagnant ».

Transmettre les valeurs, la vision du projet collectif et résister à la tentation de donner toutes les solutions sont les éléments essentiels pour manager une équipe d’après Claude Onesta.
« Le rôle du manager est de découvrir, d’harmoniser et de coordonner, un peu comme un chef d’orchestre. Chaque instrumentiste est plus compétent que moi, mais sans harmonie, la musique sera détestable ».

Un sélectionneur qui estime ses joueurs plus pertinents que lui sur de nombreux sujets et les laisse donc choisir leurs actions sur le terrain, n’est-il pas le type de leadership dont les entreprises ont besoin de nos jours ?

L’épanouissement d’une entreprise est lié à celui du plus grand nombre. C’est à ça que le monde de l’entreprise doit réfléchir. Pour manager une équipe il faut se demander comment associer chaque membre de cette équipe à l’aventure.

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Responsabiliser n’est pas si facile que ça.

Si Claude Onesta a su considérer les hommes de son équipe comme des adultes responsables, cette manière de faire n’a pas plu à tout le monde et ses détracteurs furent nombreux.

Il confiait, dans une interview à l’Obs, « Tous les gens que je croisais me disait « oui, oui, responsabiliser les joueurs, c’est vachement bien ton truc » mais je suis persuadé que, dès que je tournais le dos, ils se marraient. Pour beaucoup le sport de haut niveau, ça gueule, ça obéit, ça fait peur. Le coach doit être une sorte de gourou, qui sait tout, qui manipule. C’est totalement réducteur. Mais c’est une croyance bien ancrée. Et une croyance d’autant plus dommageable que le sportif, à mon sens, s’épanoui quand il cesse d’être bêtement obéissant, quand il se prend en main dans l’intérêt du collectif. »

La parallèle avec le management en entreprise est très facile. Tout le monde est d’accord pour dire que le fait de responsabiliser est une bonne chose, mais il faut du courage pour lâcher prise et faire confiance dans la capacité créative de ses équipes, et ce courage manque souvent. Pour manager une équipe et libérer son potentiel, il faut pouvoir accepter de ne pas toujours tout maîtriser. Claude Onesta confie à ce sujet « Pour être honnête il y a des moments où je ne sais même plus ce que les joueurs font. Je me dis « merde, mais qu’est-ce que c’est que ça ? ». Les joueurs ont fini par s’approprier le jeu, et c’est très bien. »

La victoire repose sur les créateurs de liens.

Un leader un peu plus en retrait devient un observateur des dynamiques qui se créent dans le groupe : «  Ne pas avoir la tête dans le guidon en permanence me permet de recueillir un maximum d’informations, de faire attention aux petits détails, pour pouvoir m’atteler à l’essentiel de ma tâche : construire sur la durée. »

Se décharger du quotidien pour se concentrer sur l’avenir de l’équipe permet d’observer en détail l’attitude de chacun des membres de l’équipe et le rôle de chacun dans la dynamique de groupe. Pour Claude Onesta, un groupe n’est pas uniquement constitué de leaders et de suiveurs, il existe « une troisième population tout aussi importante. Ce sont ceux que j’appelle les créateurs de liens ou les « gentils ». Ce sont des gens capables d’aller d’un leader à l’autre selon les circonstances, sans chercher à rivaliser, mais en montrant bien qu’ils ne sont pas aliénés à qui que ce soit. »

Ce sont ces personnes-là qui vont générer du vivre ensemble dans un groupe, en se baladant d’un « sous-groupe » à l’autre, en montrant qu’il est possible d’échanger des choses avec tout le monde.

« C’est le mec qui va préparer le café pour créer un moment de partage, le mec qui va générer une rigolade. C’est le gentil qui en permanence va tempérer les affrontements. Par moments il va même prendre sur lui et faire rire de lui-même pour faire retomber les tensions… »

Savons-nous, nous aussi, détecter les « gentils » de notre équipe ? Savons-nous reconnaître et valoriser le travail invisible sur la dimension collective que chaque membre de l’équipe effectue ?

Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas dans nos cultures internes de leadership et de valorisation de talents. Mais n’est-ce pas une voie d’avenir pour transformer nos organisations et réinventer notre façon de manager une équipe ?

Il faut oser rêver et baser notre performance sur la liberté et la responsabilité de chaque collaborateur et comme l’équipe de France de hand, le succès s’inscrira sur le long terme.


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