La « performance commerciale ». Deux mots qui, dans un monde idéal, se devraient d’être pléonastiques.
- Le client est passé maître de la relation commerciale. Cette posture de force constitue une fracture historique pour les équipes Commerciales, habituées par le passé à avoir l’ascendant sur leurs interlocuteurs. Cette inversion du rapport de force s’est faite à la faveur d’une information foisonnante disponible immédiatement, propice à la comparaison des fournisseurs ainsi qu’à leur mise en concurrence. A ce titre, les clients et prospects exigent de la part des Commerciaux des offres faites à des prix compétitifs, dans un délai toujours raccourci, avec des exigences fortes en matière de qualité de « délivrables ». La personnalisation de l’offre devient un critère clef d’achat rendant caduques les vieilles solutions « sur étagère ».
- Les Commerciaux, pour lesquels les attentes en matière de rémunération doivent s’accompagner d’un sentiment de satisfaction et d’épanouissement au travail, avec une culture d’entreprise et des valeurs comme la reconnaissance du travail accompli et l’esprit d’équipe qui constituent autant de facteurs de motivation et de recrutement / rétention des talents. Le cadre juridique lui-même évolue en ce sens, avec, à titre d’exemple, les ordonnances Macron de 2017 en matière de QVT qui questionnent également les modes d’organisation au travail.
- Les actionnaires accroissent leurs attentes sur les résultats de l’entreprise, dans un contexte où les plans sociaux restent une solution en matière de réduction des coûts et un levier de rentabilité. Face à cette menace, les Commerciaux doivent justifier leur efficacité, alors que des solutions alternatives considérées comme moins coûteuses (call centers / vente en ligne) questionnent en parallèle le coût de la vente. A titre d’exemple :
- En 2018, Engie a accéléré la réorganisation de sa force de vente vers « des pays à bas coûts » (déjà initiée en transférant une partie de l’activité au Maroc, au Portugal et à l’Ile Maurice), avec une vague de délocalisation notamment au Sénégal et au Cameroun… « Des pays où les téléconseillers qui vendent des offres de gaz et d’électricité aux clients français sont payés moins de 500 euros par mois, trois fois moins qu’en France ».
- Le coût d’un site e-commerce est d’environ 1/4 inférieur au coût d’un seul Commercial(Death of a B2B Salesman, Forrester, 2015). A horizon 2020, 1 million de Commerciaux B2B pourraient perdre leur emploi avec le seul impact du e-commerce.
- L’Intelligence Artificielle menace par ailleurs la pérennité des emplois des Commerciaux : 95% des Commerciaux seront remplacés par l’Intelligence Artificielle d’ici 20 ans (Matthew King, 2016).
- Le paysage concurrentiel se transforme sous l’effet de la digitalisation, avec l’émergence de nouveaux acteurs plus compétitifs qui mettent le marché sous pression. A titre d’exemple, avec notamment :
- Alan: une assurtech française (solution de mutuelle en ligne) créée en 2016, qui révolutionne l’assurance santé par le biais d’une offre simple, complète et totalement numérisée, présentée comme une alternative très attractive aux assurances traditionnelles. En 2018, Alan a réalisé une levée de fonds de près de 23 millions d’euros auprès d’investisseurs reconnus : Xavier Niel, Index Venture, CNP, Partch et Portag3 Venture (Canada). La start-up compte 850 entreprises clientes et vise 100 000 personnes couvertes à horizon 2021.
- N26: une banque allemande totalement numérique qui s’appuie sur une technologie de virement internationaux (virements SEPA). Cette solution, très intuitive, est pour le moment plébiscitée : N26 compte en effet plus de 500.000 clients dans les 17 pays européens où elle est présente, dont 100.000 en France. La start-up berlinoise ciblait 600.000 à 800.000 utilisateurs en fin d’année 2017 et s’est implantée aux Etats-Unis et en Angleterre en 2018 (levée de fonds de 130 millions d’euros).
Dans ce contexte, le positionnement des Commerciaux, « entre le marteau et l’enclume », peut facilement mettre à mal leur motivation. Cette baisse d’entrain est antinomique avec la raison d’être de ces populations, qui représentent le dynamisme et la force de proposition de l’entreprise « au-dehors » : auprès des prospects et des clients.
Les chiffres parlent mieux qu’un long discours : En 2011 aux Etats-Unis, 63% des Commerciaux atteignaient leurs objectifs. En 2016, ils ne sont plus que 55% ( The Future of the Sales Profession, Graham Hawkins, 2017).
Augmenter performance commerciale : 3 pistes d’approche
- Ne pas réduire la performance commerciale à l’atteinte des résultats : la Partie cachée de l’iceberg
- Faire évoluer les métiers Commerciaux vers davantage de responsabilité et de valeur ajoutée : L’Envol
- Tirer parti des évolutions digitales pour accroître la motivation : Le Commercial augmenté
Nous explorerons aujourd’hui la première piste citée précédemment : « Ne pas réduire la performance commerciale à l’atteinte des résultats : la Partie cachée de l’iceberg « .
Ne pas réduire la performance commerciale à l’atteinte des résultats économiques : la Partie cachée de l’iceberg
Considérer le processus de vente comme un critère clef d’évaluation de la performance commerciale
Dans cette perspective, le rôle du Manager et celui du Responsable Commercial est dégradé : l’un devient le garde-chiourme aveugle de la performance, tandis que l’autre se cantonne au rôle d’exécutant menacé par le bâton ou motivé par la carotte. De ce fait, la sous-performance est régulièrement pointée du doigt en réunion d’équipe alors que les bons résultats économiques, considérés comme normaux, sont passés sous silence.
Dans tous les cas, cette « méthode d’analyse » sur la base d’un indicateur unique déresponsabilise et infantilise grandement les équipes.
Considérer la performance commerciale revient, selon nous, à considérer pour chaque membre de l’équipe Commerciale une vision exhaustive du chemin parcouru et pas uniquement le point d’arrivée. Aucun plongeur n’atteindra les 50 mètres de profondeur sans quelques actions préalables bien définies, dont il ne peut faire l’économie : vérifier que sa bouteille est bien ouverte ou qu’il a bien pris ses palmes et pas celles du voisin qui fait du 42… De même, l’aventurier qui part à l’assaut du Kilimandjaro visualise son ascension en étapes, sans penser au point d’arrivée. Même invisibles, ces actions processées et intermédiaires constituent une méthodologie graduelle garante du succès.
Il en est de même pour les Commerciaux : atteindre l’objectif du mois dépend d’un process à respecter. Affirmer le contraire revient à dire que le succès dépend du hasard. Il n’en est rien.

Elaborer des plans de formation individualisés, orientés sur un axe d’amélioration clefs
Les meilleures métriques à suivre pour définir la compétence « manquante » de chacun varient en fonction de chaque entreprise, mais on peut citer à titre d’exemple : les leads créés, les démos réalisées, le nombre de clients.
Une fois ces métriques identifiées et mesurées, un travail d’approfondissement est encore

- Ratio « Leads worked to connect » (premier appel) : Si cette métrique est mauvaise, le Commercial rencontre des difficultés à contacter son interlocuteur pour la première fois, à « décrocher son téléphone ».
- Ratio « Connect to demo » (démo suite à un premier contact) : Si cette métrique est mauvaise, le Commercial rencontre des difficultés à attirer l’attention de son interlocuteur lors du premier call.
Deux Commerciaux présentant un même ratio Démo / Leads insuffisant peuvent être en difficulté sur deux choses différentes. Il en découle donc une réelle nécessité d’identifier avec précision la source de la difficulté, et d’éviter l’écueil d’une formation trop générique applicable à tous.
Nous explorerons prochainement notre deuxième piste autour des logiques et des modes de fonctionnement visant à favoriser la motivation et l’engagement, facteurs clefs d’augmentation de la performance commerciale : Faire évoluer les métiers Commerciaux vers davantage de responsabilité et de valeur ajoutée : L’Envol